Extrait des Lois et des Règlements Anglais en vigueur contre les pirates

Un pirate est un hostis humani generis (1), un ennemi du genre humain et nul, selon Cicéron, ne doit se sentir lié à lui par la foi jurée ou par un serment. En vertu des lois naturelles, les princes comme les Etats sont coupables envers leurs peuples s'ils ne veillent pas à les garder des vols commis par ces forbans. Appeler les pirates ennemis publics est un abus de langage; si l'on en croit l'orateur antique, celui-là seul mérite ce qualificatif, qui régit un état, une cour, un budget, qui jouit de l'appui des citoyens et qui peut fomenter une révolution. Mais s'ils viennent à fonder une république ou un état, comme l'ont fait les pirates d'Alger, de Sallee, de Tripoli, de Tunis et autres, alors ils obtiennent d'être traité par la guerre et par la diplomatie, avec toutes leurs pompes.

Si des lettres de marque sont accordées à un marchand et qu'il confie son bateau à un capitaine et à ses matelots puis que ces derniers, au lieu de s'emparer des biens ou des navires contre lesquels ils ont reçu commission, s'emparent de biens ou de navires amis, il s'agit de piraterie; dès que le navire pénétrera dans l'un quelconque des ports de Sa Majesté, il sera saisi sans autre forme de procès et sans que ses armateurs puissent prétendre à aucune réparation.

Si un navire vient à être attaqué et pris par les pirates, qui en asservissent le patron, la loi de la Mer exige que le bateau, c'est-à-dire l'équipage et sa cargaison, soit mis à contribution pour le rachat du capitaine, dans le cas du moins où il n'aura pas tenté le sort. Sinon, personne n'est moralement obligé de lui venir en aide.

S'il se trouve, à bord d'un pirate anglais que l'on a capturé, des sujets d'une nation en guerre contre la Couronne d'Angleterre, seuls les Anglais seront poursuivis pour trahison, à l'exclusion des étrangers, qui ne seront pas montrés pirates en attaquant un ennemi; ils seront seulement justiciables des lois de la guerre.

Si des sujets de nations en guerre avec l'Angleterre viennent à faire acte de piraterie sur les mers anglaises, leurs crimes sont de l'unique ressort des tribunaux de la Couronne d'Angleterre qui exerce istud regimen et dominum (2) à l'exclusion de tout autre.

Si, alors qu'ils tentent un abordage, les pirates sont vaincus, les vainqueurs ont le droit de les pendre à la grande vergue sans procès en bonne et due forme. Dans le cas où l'on préfère les déférer au juge du port le plus proche, si ce magistrat décline l'honneur de les juger ou encore retarde leur procès au point de mettre les vainqueurs en danger, ceux-ci sont autorisés à se faire justice eux-mêmes.

Si l'on remet une cargaison à un capitaine avec ordre de la transporter dans un port et qu'il la transporte dans un autre, l'y vende ou s'en débarrasse, le cas n'est pas tenu pour trahison; mais s'il la reprend après l'avoir déchargée dans le premier port, c'est de la piraterie.

Si un pirate attaque un navire dont le capitaine promet sous serment de lui verser une somme d'argent pour son rachat, c'est tout de même de la piraterie, quand bien même le pirate ne touche pas à la cargaison intacte.

Si un bateau se trouve à l'ancre avec tout son équipage à terre et qu'un pirate vienne à l'attaquer et le piller, c'est un crime de piraterie.

Il en va autrement si un pirate s'attaque aux sujets de tout souverain ou de tout Etat en rapportant leurs biens en Angleterre pour les vendre en place publique; cette transaction sera valide et les anciens propriétaires ne pourront élever de réclamation.

Si un pirate pénètre dans un port de notre royaume et y dépouille un navire à l'ancre, il ne saurait s'agir de piraterie, car le forfait n'a pas été commis super altum mare (3) ; on a affaire à un vol pur et simple tel que le décrit le code ordinaire, infra corpus comitatus (4) . Ajoutons que la piraterie est exclue de l'amnistie générale étendue à tout crime, à moins d'être explicitement mentionnée au nombre des crimes qui en bénéficient.

Selon 28 H VIII, les meurtres et vols commis sur la mer ou en un lieu où l'amiral revendique juridiction seront, dans les comtés et villes du royaume déterminés par la commission du roi, jugée tout de même qu'ils eussent été à terre. Les actes qui font foi de ces commissions, et qui sont scellés du Grand Sceau, seront donnés entre les mains du Grand Amiral, son lieutenant ou officier principal, et aux trois ou quatre autres personnages désignés par le Chancelier.

Lesdits commissaires sont autorisés à enquêter sur ces crimes par l'intermédiaire de douze jurés; toute accusation avérée donnera lieu au châtiment applicable à terre. Si l'accusé plaide non coupable, il ne pourra en appeler aux cent jurés; qui sera convaincu de félonie ou de meurtre sera passible de mort sans sépulture chrétienne, et spolié de ses terres comme de ses biens.

Cet Acte ne concerne pas ceux qui, poussés par la nécessité, prendraient victuailles, câbles, cordages, ancres ou voiles sur un bâtiment qui en aurait de reste, et en payeraient la valeur soit en espèces soit en s'engageant, par une reconnaissance de dette, à la régler dans les quatre mois à l'ouest du détroit de Gibraltar et dans les douze mois de l'autre côté.

Quand on fera tenir semblable commission en tout lieu situé dans la juridiction des Cinq Ports, on l'adressera au Gardien dudit port et aux trois ou quatre personnages nommés par le Chancelier; l'instruction des procès relatifs à ces crimes y sera effectuée par les habitants desdits ports.

En référence aux rubriques 11 et 12, chap. 7, sera tenu pour pirate quiconque, né ou naturalisé sujet de Sa Majesté, commettra en mer un acte de piraterie ou d'hostilité à l'égard des sujets de notre royaume, sous couvert d'une commission ou de l'autorité de quelque prince étranger, ou tout Etat quel qu'il soit.

Si un capitaine, un patron de navire, un matelot donne à des pirates le bateau qu'ils commandent ou sur lequel ils servent, ou qu'ils complotent pour s'enfuir avec eux, ou encore s'ils tentent de provoquer une mutinerie, ils seront tenus pour pirates.

Toutes personnes qui, après le 29 septembre 1720, auront assisté un pirate dans ses entreprises sur terre ou sur mer, ou aidé à le cacher ou bien recelé un bâtiment ou une cargaison acquis par piraterie, s'exposeront aux poursuites sous le coup desquelles tombent les pirates actifs.

Cet Acte ne saurait concerner ceux qui ont été jugés ou condamnés en Ecosse.

Cet Acte a en revanche force de loi dans les possessions américaines de Sa Majesté.

1. "Ennemi du genre humain ";
2. "cette compétence et cette maîtrise ";
3. "En haute mer ";
4. "Sous l'article droit commun "

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